Des fois la vie réserve des surprise.
Et certaine personne aussi
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Suite
- Comment ça ?
Mais elle ne répond pas, occupée à boire.
- Oublie ce que je viens de dire…
- Comment ça ?
Elle a du jus de tomates sur la lèvre supérieure. Étrangement, j’aurais bien aimé le lui ôter…
- Je suis jalouse des filles qui sont venues ici. Excuse-moi, je n’y peux rien, c’est comme ça. Et toi, tu n’as jamais été jaloux des autres hommes qui sont venus avant toi ?
- Le passé est le passé. Comment puis-je reprocher quelque chose qui s’est passé avant j’intervienne dans la vie d’une femme ? Je ne savais pas que cette femme existait, elle ne savait pas non plus que j’existais, elle avait sa vie, j’avais la mienne.
- Moi, je savais que tu existais…
Elle pose son verre.
- Je sais, je pourris l’atmosphère. Excuse-moi, je vais tenter de me freiner. Mais, avant que je n’en parle plus, je préfère vider mon sac : j’en pleurais de savoir que tu étais avec Béatrice… Dans ces moments-là, j’aurais pu la tuer. Oui, la tuer ! Même si c’était ma cousine avec laquelle j’ai grandi !
- À ce point ?
Elle continue, le regard au loin :
- Tu sais, c’est horrible de savoir que celui qu’on désire est avec une autre femme. C’est abominable. On n’y peut rien, mais c’est comme ça. Mais le pire, c’est quand cette femme est si proche, si semblable, presque pareille… Savoir qu’on aurait pu être à sa place, pour si peu de choses différentes, pour si peu d’écarts. Béatrice et moi, nous sommes presque des jumelles. Le même homme entre nous, elle dans la lumière, moi dans l’ombre.
Je préfère ne pas intervenir, mon expérience des femmes me le dicte. Elle s’avance au milieu de la grande pièce, sans lâcher son verre.
- Je ne comprenais pas pourquoi elle et pourquoi pas moi, nous sommes si semblables. Je sais, nous n’avons pas le même caractère. N’empêche que… Oui, je suis pourtant nettement plus simple à vivre que Béa ! Je ne suis pas si chiante et versatile qu’elle. Mais quand j’ai quelque chose à moi, il est à moi, je le défends coûte que coûte ! Tu comprends ?
- Je comprends…
- Cette semaine, tu es à moi, momentanément. Alors je veux profiter de cette chance, car je sais que dans quelques jours ce sera fini. Et je te promets que je ne ferai pas de connerie par la suite, pas de connerie fatale comme tu dis, promis.
- Tu m’en vois ravi…
- J’en ai fini, Thibault, fin de la parenthèse.
Je me place face à elle :
- À mon tour de faire certaines précisions : je tiens toujours mes promesses, enfin… du mieux possible. Par contre, je ne peux rien garantir pour la suite… D’autant que la situation est quand même un peu particulière.
- Je sais, j’en suis consciente…
Elle met ses mains derrière le dos, ce qui met particulièrement en valeur sa poitrine, elle sourit étrangement :
- Et compte sur moi pour en profiter…
ooooo
Le reste de la semaine continue en demi-teinte, deux pas en avant, un sur le côté et un en arrière. Globalement, on dira que nous avançons quand même un peu. Cependant, j’avais une autre vision des choses, mais sans doute que c’est mieux ainsi, sur le fil du rasoir.
Nous sommes sortis presque chaque soir, parfois main dans la main. Pour l’instant, elle est blottie contre mon corps, mon bras sur ses épaules. Le plus loin que nous ayons été fut un baiser un peu appuyé qu’elle me donna sur les lèvres. J’ai d’ailleurs failli chavirer, mais elle s’est aussitôt détachée de moi. A-t-elle su que j’avais été très tenté de pleinement l’embrasser ?
J’ai aussitôt mis cette faiblesse de ma part sur le fait que je suis célibataire depuis un certain temps, et que Nérine me fait toujours songer à Béatrice, ses yeux, sa bouche, son nez, son visage, ses cheveux, tout. C’est terriblement frustrant d’avoir à côté de soi une femme qui est à la fois celle qu’on aime, et en même temps une parfaite inconnue…
Et je ne parle même pas de toutes les fois où j’ai failli l’appeler Béa ou Béatrice…
Quelque part, je suis content de cette étrange semaine. Je me dis que, la voyant si différente, je fais ainsi mon deuil de Béatrice. Je sais que c’est un pis-aller, mais je prends, avec l’illusion que…
Que quoi, finalement ?
Je secoue la tête à cette fugace pensée ; je monte les escaliers qui mènent à son appartement. Ça me fait un peu d’exercice de grimper trois étages. Je constate que les ans qui passent n’arrangent rien à ma forme physique, même si je reste un jeune selon les statistiques. Les salades et tous ces produits bios qu’elle me fait manger me font finalement du bien. Dans cette étrange semaine que je vis, ce sera peut-être le réel point positif, dans cet univers en clair-obscur…
Je sonne à la porte, celle-ci s’ouvre, et là, je reste figé sur le seuil…
Face à moi, une autre Nérine, si loin, si éloignée de Béatrice, une Nérine à la fois effrayante et si attirante dans son ensemble échancré trop sexy, son maquillage léger mais provocant, ses yeux qui brillent étrangement ! Un collier massif orne son cou délicat. Ses petits tétons dardés qui impriment sensuellement le tissu trop léger de sa robe. Ses longues jambes gainées et perlées, perchées sur des talons aiguilles improbables !
Elle me toise, puis se retourne, m’invitant à la suivre. J’ai comme un coup au cœur en découvrant son dos nu, et la mini-jupe qui dessine si bien ses mignonnes fesses. Trop dangereux, ultra périlleux même, il faudrait que je fuie. Mais le papillon aime voltiger autour de la flamme de la bougie.
Elle se retourne quand nous arrivons au milieu du salon, elle me regarde alors :
- Je pense que je peux te faire confiance.
- Je ne comprends pas, Nérine.
- Norine, s’il te plait.
- Norine ? Comment ça, Norine ? Ton vrai prénom est Nérine. Il n’est d’ailleurs pas très courant, c’est ce qui fait son charme.
- Merci d’aimer mon prénom. Mais aujourd’hui, vendredi soir, le week-end commence.
- Oui… et ?
- Je suis à présent Norine. Avec un Ô !
Un bref silence, puis elle reprend avec un étrange sourire :
- Un Ô comme dans l’histoire…
Je suis très dubitatif, tout en appréciant particulièrement la plastique très avantageuse qu’elle offre à mon regard. Je reconnais que ça valait le coup d’attendre une semaine, et même plus, pour l’admirer ainsi.
- Je ne comprends toujours pas, Nérine - pardon - Norine…
- Je pense que je peux te faire confiance, Thibault.
- Tu me l’as déjà dit ; confiance pour quoi exactement ? Car là je suis un peu paumé, largué…
- Thibault, franchement, que penses-tu de moi ainsi ? Franchement…
Je me recule pour mieux la contempler, ma réponse doit être écrite en grosses lettres sur mon visage car, avant que j’ouvre la bouche, elle dit simplement :
- Merci…
- Ah ? Et de quoi ?
- Tu aimes.
- Franchement, oui, ça te va super bien, c’est ultra sexy, et même trop ! Mais ce n’est pas toi, vois-tu…
- Si, c’est moi, et ce n’est pas Béa, je me trompe ?
- En effet, je t’accorde que Béa n’aurait pas… elle est trop BCBG pour s’habiller ainsi.
- Contente de te l’entendre dire. Maintenant, Thibault, va t’asseoir devant l’ordi et consulte le site que tu auras sur l’écran. Ne dis rien, lis toutes les pages. Après on en reparlera. OK ?
- Je ne comprends pas.
- Fais ce que je te dis, s’il te plaît, Thibault. Et n’oublie pas que je te fais confiance…
J’obéis, quelque chose dans sa voix a changé......
Je m’assieds tandis qu’elle disparaît dans la cuisine, comme pour me laisser seul face à l’écran sombre de l’ordinateur. À présent, au vu de la première page, je commence à mieux comprendre certaines choses : c’est indubitablement Nérine que je découvre sur le site, ou plutôt Norine, comme elle se fait appeler. Son visage reste masqué sur les diverses photos, souvent un simple loup, il y a même des vidéos, c’est incontestablement elle, une autre elle qui rayonne d’une étrange beauté, que je contemple.
Car contempler est bien le mot. Je connaissais quelque part l’anatomie de Nérine de par sa ressemblance frappante avec Béatrice dont j’ai partagé les nuits souvent agitées. La Norine de l’écran semble avoir des soirées nettement plus torrides ! Je ne consulte pas toutes les pages, car j’ai vite compris la chose. Je reste abasourdi de ce que je viens de découvrir : il existe en réalité deux femmes en elle, la Nérine timide, effacée et la Norine nettement plus… Je ne saurais dire quoi, les mots me manquent.
- Nérine ?
- Oui ? répond-elle de la cuisine.
- C’est bon, tu peux revenir.
- Déjà ?
- Oh, pas besoin de tout consulter, je crois avoir à présent une bonne idée de la chose. Avant de continuer, je te promets que je la fermerai, pas un seul mot, tu as ma parole.
- Merci, je savais que je pouvais avoir confiance en toi.
Elle est face à moi, toujours aussi sexy. Et effrayante de sensualité, et de ce que j’ai pu voir et savoir d’elle sur le site, plus tout ce que je devine en arrière plan. Je me lève, une main derrière la tête, perplexe :
- Comment dire… comment t’es-tu retrouvée dans cette…
- Par hasard, mais de mon plein gré. J’en avais un peu marre d’être ce que j’étais dans la vie courante, auprès de ma famille, des autres, du travail. Là bas, je suis comme… libérée des entraves. En réalité, je suis plutôt ordonnatrice de soirées un peu spéciales.
- C’est le moins qu’on puisse dire, que c’est un tantinet spécial…
- Tu n’as jamais mis les pieds dans ce genre de soirées ?
Je jette un coup d’œil à la fenêtre, son reflet sexy dessiné sur la vitre :
- Excuse-moi de te paraître si naïf : non. Pas le moindre échangisme à raconter, ni mélangisme, ni domination, ni soumission, et encore moins de sadomasochisme… Non, je suis horriblement classique : un homme et une femme. Même si, parfois, je m’autorise quelques fantaisies…
- Et tu en penses quoi, de ce que je fais ?
- Je n’ai pas à te juger, chacun fait ce qu’il veut de sa sexualité. Néanmoins, j’ai du mal à te voir en maîtresse de donjon…
Elle me reprend, avec l’air d’une institutrice qui gronde un enfant fautif :
- Ordonnatrice, s’il te plaît, ne confonds pas. J’aide à l’organisation, je crée même des soirées thématiques que je planifie du début à la fin, dans le moindre détail. Et… et il m’arrive parfois de participer un peu moi-même. Ça te choque ?
- Comme je te l’ai déjà dit, Nérine, tu fais ce que tu veux de tes nuits et de ton corps… Néanmoins…
- Oui ?
- Ce qui me choque, c’est l’écart qui existe entre toi, Nérine, et cette Norine comme tu l’appelles.
Elle sourit, elle est trop craquante…
- Thibault, n’as-tu pas parfois des pulsions, comme des bulles qui sortent de la vase de ta libido pour aller exploser à la surface de ta conscience ?
- Belle image ! Elle est de toi ?
- Oui, et j’assume. Alors, Thibault ?
- Je reconnais que… parfois, rarement… mais je me maîtrise.
- Moi aussi, je me maîtrise, mais en les vivant, pas en les enfouissant comme toi.
- C’est un choix. Comme c’est aussi un choix d’être deux femmes si différentes en une seule ?
- Sans doute que je n’ai jamais eu la chance d’avoir à mes côtés un compagnon pour m’aider à assumer au grand jour ce que je suis vraiment. Nérine est une petite chenille, je voudrais tant que toi, Thibault, tu m’aides pour ma chrysalide…
- Je ne sais pas si je suis bien placé… ton monde de la nuit est très éloigné du mien.
- Je ne te demande pas la lune, mais juste d’être à mes côtés. Je t’aime, tu sais, tout ce que je veux c’est que tu sois là, parfois, me donnant l’illusion que… que tu tiens quand même un peu à moi. Je me contenterais de ça, tu sais…
À sa grande surprise, je capture doucement son visage aux joues si douces entre mes larges mains. Je souris faiblement :
- Nérine, tu sais très bien que je ne peux pas accepter ce genre de situation.
- Tu as bien accepté cette semaine.
- Honnêtement, je ne sais pas si j’ai bien fait. Bien que j’aie vécu de bons moments, je l’avoue, mais j’ai trop peur de te faire du mal sans le vouloir.
- Tu sais, Thibault, je l’ai fait en connaissance de cause. Je suis majeure, tu vois, et je ne suis pas en sucre, non plus.
- Norine est sûrement une maîtresse femme, sûre d’elle. Mais j’ai des doutes pour toi, Nérine. J’ai des doutes, beaucoup de doutes !
Elle pose ses mains sur les miennes, plongeant son regard brillant dans le mien :
- Et si Norine prenait le pas sur Nérine, tu n’aurais plus peur de me faire du mal, comme tu le dis…
- C’est toi qui… euh… qui m’intéresse, pas l’inconnue de ce site.
- Je t’intéresse ?
Je ne réponds rien, je ne sais plus quoi dire. Nous restons figés ainsi, l’un en face de l’autre, le visage si près, son souffle chaud sur mes lèvres. Je me décide enfin :
- J’ai appris à te découvrir, à voir au-delà de Béatrice. Oui, je t’apprécie, mais je ne peux pas en dire plus car ce serait mentir. Et je ne veux pas te mentir.
- Je te remercie, j’apprécie ta franchise, c’est une de tes qualités…
- Merci, Nérine. J’ai une proposition à te faire, elle vaut ce qu’elle vaut…
- Laquelle ?
- Une semaine, c’est trop court… disons deux… non, disons plutôt un mois.
- Qu’est-ce que tu veux me dire ?
- Je veux dire que je veux continuer, au moins un mois, notre… deal. Ensuite, advienne que pourra…
Dans un élan imprévu, elle plaque ses lèvres sur les miennes et m’embrasse fiévreusement. Je ne résiste pas, je réponds sur-le-champ à son baiser. Oui, advienne que pourra. Son corps se moule contre le mien, un flot de sensations m’envahit. Je connais pourtant les moindres recoins de son corps, le même que celui de mon ex, mais ici, c’est autrement que je le ressens. Non, pas un clone, pas un simple copier-coller, mais bien celui d’une femme que je ne connais finalement pas.
Nous nous détachons l’un de l’autre. J’essaye de la retenir, mais elle me glisse des doigts. Elle met la table à présent entre nous. Elle pose ses mains dessus.
- Thibault… j’ai longtemps attendu ce moment, celui où tu m’embrasses vraiment. Et ne me dis pas que ce fut par faiblesse, je l’ai bien senti.
- Inamoramento…
- L’instant d’entre-deux ? Que faut-il que je fasse pour que tu bascules complètement ? Je n’hésiterais pas sur les moyens, tu sais, c’est toi que je veux, tu es prévenu. Tant pis si je ne suis pas diplomate, si je ne joue pas à la frêle damoiselle à protéger.
- C’est « qui tu es » qui me fascine. Peut-être vous deux…
- Les deux femmes en moi ? Norine aussi ?
- Je ne connais pas cette Norine, je l’entrevois seulement.
- Elle ne te tente pas ? Ça ne te dirait pas d’avoir cette femme à toi, tous tes fantasmes réalisés ?
- Nérine, l’amour, ce n’est pas un marché, une sorte de vente avec des promesses. Pour moi, c’est plutôt une fusion et une complémentarité, une femme, un homme, un couple.
Elle fronce les sourcils :
- Tu es difficile ! Des tas d’hommes auraient déjà accepté et m’auraient déjà violée sur la moquette !
- Des tas d’hommes, sans doute, mais pas moi.
- C’est bien là le drame ! Pourquoi a-t-il fallu que ce soit de toi que je tombe amoureuse ? Avec les autres hommes, c’est si simple !
- Ceux de tes soirées, oui, parce qu’ils cherchent quelque chose de particulier. Ta perception est un peu faussée.
- Tais-toi ! J’ai déjà eu des hommes dans ma vie, bien avant toi. La plupart du temps, ils ne cherchent qu’à tirer un petit coup, parce que souvent, une fois qu’ils ont éjaculé, il n’y a plus personne !
- Tu l’as dit toi-même : la plupart du temps.
Elle serre les poings, le visage dur :
- Mais, merde, pourquoi toi ? Tu ne pourrais pas être comme tous les autres ? Ça simplifierait tout ! Je m’offre sur un plateau, avec un nœud-ruban en prime, je peux t’offrir tout et même plus, et môsieur hésite !
- Nérine ! Arrête ton cirque ! C’est justement parce que j’ai… enfin, que je t’apprécie et même plus, ce qui ne veut pas dire que je dois absolument profiter de toi et faire des tas de cochonneries sur la moquette ! Tu fais chier, et pas qu’un peu ! Comment veux-tu, espèce de crétine, que je te viole comme ça ? L’amour, les sentiments, ce n’est pas seulement une partie de jambes en l’air !
- Arrête de te la jouer ! La finalité reste le pieu ! Quoi que tu dises, c’est inscrit au plus profond de toi, c’est juste la société et ton éducation qui te freinent en mettant tout ce tralala, ce fiévreux romantisme à la con !
Je jette mon bras par-dessus la table pour lui agripper le bras :
- Ah oui ? Et tu peux m’expliquer ton comportement envers moi durant tous ces mois où tu disais m’aimer en silence ? Dis ?
- Lâche-moi, tu me fais mal !
- Réponds ! Pourquoi, si nous sommes des bêtes en rut, pourquoi tu ne m’as pas sauté dessus ? D’autant qu’avec ce que j’ai vu sur ton site et ce que je vois maintenant, tu as largement de quoi tourner les têtes ! Et pourquoi tant de différence entre celle que je connais maintenant depuis des années et celle qui est face à moi, sans parler de l’autre sur le site ?
- Lâche-moi !
- Non ! Réponds !
Ses yeux traduisent son désarroi, les traits de son visage oscillent, comme s’il y avait une lutte entre les différentes femmes qu’elle porte en elle. Elle tremble de tout son corps, exacerbant l’obscur désir qui monte en moi. Je préfère la lâcher, elle se réfugie alors dans un coin du salon, dans l’angle le plus obscur. Resté au même endroit, je me calme petit à petit, les deux mains sur la table, tête baissée, tout en regardant de temps à autre dans sa direction. Les secondes, les minutes passent. Combien ? Je ne sais pas. C’est elle qui commence la première à parler :
- Je… je tiens à toi, tu sais… Cette situation est infernale pour moi, je ne sais plus comment faire, je ne sais plus qui être. Mais tu peux être sûr que je ne t’entraînerai pas dans ce monde de la nuit contre ta volonté, je… je peux même le quitter, tout abandonner : tu n’as qu’un mot à dire…
- Je n’ai pas à exiger un tel sacrifice de ta part. Tu es un tout, tu es à prendre ou à laisser, avec tes qualités et tes défauts. Avec tes secrets aussi.
- Tu… tu prends ou… tu laisses ?
- C’est bien toi, il me semble, qui mets un certain temps dans les magasins avant de choisir ? Je ne choisirai pas maintenant, j’en ai trop appris ce soir, mais ce n’est pas pour autant que je te déteste, que je te méprise ou quoi que ce soit d’autre. Non, il faut que je digère, il faut laisser le temps au temps.
Je contourne la table pour me rapprocher d’elle. Elle baisse la tête :
- Oui… du temps… mais ça fait si longtemps, tu sais !
- Je t’ai déjà dit que je veux prolonger notre semaine, que je veux continuer un mois, au moins, avec toi. Tu me feras ainsi découvrir tes autres facettes, je ne te cacherai rien de moi, même mes mauvais côtés. Comme ça, nous serons toi et moi fixés.
- Moi, je sais : c’est toi.
- Que sais-tu de moi ? Pas grand-chose, tu ne connais que le bon côté.
- Tu te trompes, Thibault, je te connais nettement mieux que tu sembles le croire, je sais que tu peux être grognon, imbuvable quand on touche à ton cercle intime, plein de choses. Je… je t’étudie depuis bien des mois et des années…
- Tu m’étudies depuis des… ? Ah bon ? Et malgré ça, malgré mon fichu caractère, tu veux quand même de moi ? Tu es maso, Nérine…
- Oui, je sais, je suis maso…
Elle relève d’un coup la tête, me fixant, une nouvelle lueur inconnue au fond de ses yeux brillants. Elle insiste :
- Oui, je suis maso. Toute ma vie j’ai subi ce qu’on voulait de moi, j’ai passé mon temps à être une gentille fille, lisse, nette, propre sur elle. Mes parents étaient si fiers de moi, ils parlaient de moi à tout le monde comme étant leur si mignonne petite fille ! Et moi, au fond de moi, j’étouffais, ma vraie personnalité disparaissait sous une couche épaisse de mensonges, je n’étais plus moi, tu peux comprendre ça ?
- Je comprends, mais pourquoi ne pas avoir changé par la suite ?
- Quand tu vis toute ton enfance dans la peau d’une autre, cette autre devient toi-même, tout le monde ne te voit plus qu’à travers cette image forgée de toutes pièces par les années. Puis un jour, par hasard… mais je t’épargne les détails, je suis entrée dans un autre monde dans lequel je pouvais complètement dévoiler ce qu’il y avait réellement en moi. Et je me suis déchaînée !
- Tu as peut-être trop versé dans l’autre extrême…
Elle balaye ma remarque de la main :
- Sans doute, mais ainsi ça faisait la moyenne !
- C’est une façon de voir…
Elle s’approche de moi, sinueusement, ses tétons lascivement pointés en avant sous le tissu, toujours cette lueur dans ses yeux, je reste comme rivé à son regard qui me magnétise. Elle est belle ainsi, une sorte de rayonnement émane d’elle. Je l’avais constaté sur les photos du site, mais en réel c’est encore plus marquant.
Face à moi, Norine, si loin, si éloignée de la Nérine que je connais, Norine si effrayante et si fascinante dans son ensemble échancré trop sexy, son maquillage léger mais aguichant, ses yeux qui brillent étrangement ! La naissance de ses seins si visible, son dos nu, la mini-jupe qui ne cache pas grand-chose de ses jambes gainées. Trop dangereux, ultra périlleux même, mais je me fiche totalement de m’y brûler les ailes, je le sais, je commence à peine à l’admettre.
- Thibault…
- Oui, Norine ?
Elle a un curieux sourire :
- Norine, tu as dit…
- Oui, j’ai dit « Norine » et je peux même te le redire… Écoute, je ne peux raisonnablement pas t’interdire d’organiser tes soirées… thématiques. Elles font partie de toi, de ton univers, et elles sont, je pense, ta soupape de décompression. Mais… si jamais, nous deux, ça se concrétise, alors tu dois absolument me promettre une chose, Nérine ou Norine, une seule chose : ne pas participer comme… invitée !
- Tu es exclusif, je le sais. Si tu es à moi, je veux bien sacrifier tous les hommes de la terre ! Tous les exterminer, du plus petit au plus grand, sans exception !
- Je ne t’en demande pas tant ! Laisse-les vivre…
- Peu importe les autres, si tu es à moi et si je ne suis rien qu’à toi !
Je ne réponds rien, je ne sais pas si, dans quelques instants, je ferai la plus grosse connerie de mon existence ou le meilleur choix ! De la façon dont elle me regarde, à la fois victorieuse et inquiète, je pressens qu’elle aussi a deviné mon hésitation.
Sa voix devient encore plus douce et caressante :
- Thibault… je veux pouvoir m’occuper de toi, rien que de toi, être celle qui sera toujours là pour toi, celle qui ne te quittera jamais. Celle qui t’aimera d’un amour infini, peu importe les circonstances. Même si tu ne m’aimes pas, même si tu me méprises, même si je n’ai que des miettes, même une simple illusion. Je… je me contenterais de ça, rien que de ça…
- Tais-toi ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Comment peux-tu accepter un truc pareil ? J’aurais honte de te faire ce coup-là !
- Je n’ai aucune honte, je suis prête à tout, juste pour que tu restes dans ma vie. Je ne sais pas comment te dire autrement que je t’aime plus que tout, que je suis complètement…
- Tais-toi !
- Je t’aime, je ne vois que toi, rien que toi, le reste est si…
- TAIS-TOI !
Pris d’un brusque mouvement de rage, j’agrippe une bretelle de sa robe, sa robe trop légère. Surprise, elle crie. Je l’attire à moi. Elle résiste, se recule. Le tissu cède, dévoilant deux mignons seins frémissants. Contraste étonnant entre son long collier massif et cette si délicate poitrine frissonnante.
C’est alors qu’elle ouvre les bras, son sourire si lumineux. Elle refera souvent le même geste par la suite, cet incroyable abandon de soi. C’est alors que j’ai définitivement craqué.
ooooo
A suivre