Certains stages professionnels sont bénis des dieux...
Pour se découvrir et s'assumer
Constantine
Je suis arrivé il y a une semaine à Constantine. J’aime la ville, ses gens, leur générosité. J’aime me balader dans les rues le jour, le soir, la nuit parfois. J’aime les odeurs et les bruits de Constantine.
Je découvre, un peu fourbu, ma chambre dans cette pension que m’a recommandée mon ami Abdel. La journée a été crevante. Je dois rester deux mois dans cette ville, avec comme objectif de tenir la réception d’un hôtel de la chaîne pour laquelle je bosse depuis un peu plus de deux ans…
C’est mon premier job depuis l’École, et ma première mission à l’étranger. J’ai pas eu de peine à l’avoir, cette mission. Venir bosser ici, ça n’intéressait pas grand monde. Personne en fait. À part moi. Parce que depuis un an environ, j’explore les contours de mon homosexualité, et qu’à Marseille, avec la famille et les amis, je n’arrive plus à respirer. Alors Constantine, oui !
Je vais avoir 24 ans, et j’ai bien dû avoir cinq relations durables avec des filles. Sans compter celles, sans lendemain, avec les filles aussi, au hasard des soirées et des teufs chez les uns ou les autres. J’étais un garçon qui ne se posait pas de questions à ce sujet, pour parler franc, enfin pas trop ! Pourtant dans ma bande de copains et de copines, on parle très librement, de sexe, d’amour, de telle copine qui nous dit avoir essayé avec telle autre.
Et puis bien sûr, il y a eu Kévin. Kévin avec qui j’étais déjà à la maternelle, et qui compte beaucoup pour moi. Kévin que l’on ne voyait jamais sortir avec une fille, Kévin que l’on a charrié, un peu, gentiment quand même, à ce sujet, et qui a bien essayé de nous donner le change un soir en sortant avec une fille, la seule fois, il y a longtemps. Et puis un soir, chez moi en fait, Kévin s’est méticuleusement beurré la gueule pour se donner le courage nécessaire, et nous a dit que… ça y est, qu’il jetait l’éponge, et nous a annoncé avec courage qu’il n’aimait pas les filles… qu’il avait essayé pourtant, mais que ça ne donnait vraiment rien. Et qu’il sortait depuis deux semaines avec un garçon, et que c’était… génial ! Qu’il était fait pour ça et que pour ça ! Et qu’il fallait l’aimer quand même ! Bien sûr qu’on a dit oui.
Le coming-out de Kévin… Un grand frisson dans la tête pour moi ! Mais comme un boxeur, même si j’ai été sonné par le coup, je n’étais pas encore au tapis… mentalement. Simplement tout se bousculait, je me posais des questions que je ne m’étais jamais posées avant. Le corps d’un garçon ?! Le contact d’un garçon ?! L’idée ne m’écœurait pas ! J’étais tout de même curieux !
Le seul avec qui j’en ai parlé, c’est Kévin. Il m’a bien laissé parler, puis il m’a dit là où il en était passé lui aussi. Comme ça le faisait chier toutes ses années où il était mal, où ça le gavait franchement de sortir en boîte avec nous.
J’ai eu une première relation avec un de ses amis. Pas terrible. Puis une autre, mieux. Puis encore une autre. Depuis six mois, je ne couche plus avec les filles. Et ça ne me manque pas, c’est sûr ! Les mecs, c’est devenu mon truc.
Avec Kévin ? Non, pas possible ! Ça ne m’est même pas venu à l’esprit. Je crois qu’on n’a pas vraiment d’attirance l’un pour l’autre.
Et puis, il y a encore des tas de choses de coincées dans ma tête. Les copains ne sont pas au courant. Ni ma famille ! Et bien sûr que ça me fait chier. J’ai l’impression de me cacher. Je n’ai pas l’impression, JE me cache ! Et puis les mecs, mon ami ! Les mecs ! Qui sont beaux, masculins, virils ! Pfff !
Je rigole, parce que je n’aurais pas écrit ça il y a quelque temps ! Mais c’est vrai que de plus en plus, je me suis surpris à regarder quelques beaux mecs dans la rue. Les latins, les noirs, les Arabes, les typés quoi, ceux chez qui on devine ou on voit qu’ils ont ce qui faut là où il le faut !
Et à Marseille, c’est pas ce qui manque ! Et je peux dire que chaque fois, j’ai cette sensation inexplicable, cette gorge plus sèche, cette émotion, le cœur qui bat plus vite… de plus en plus vite à chaque fois !
Un an environ après cette discussion avec Kévin, j’ai eu cette proposition de passer de l’autre côté de la Méditerranée. J’ai pas mis beaucoup de temps à dire oui.
Enthousiasme à cause du challenge professionnel, mais aussi soulagement à accepter ce départ vers l’Algérie, à cause de ce que je suis devenu, et que je n’arrive pas à dire aux autres. En plus, l’Algérie, à Marseille, ça ne nous fait pas peur. En fait, on la côtoie tous les jours. Elle est présente partout. Qui a sa famille, ses copains. Qui envoie ses mandats. Qui t’invite à manger la Chorba. Lorsque j’ai été à Alger, la première fois, j’ai trouvé des différences, sûr ! mais pas tant que ça !
Je veux écrire ce qui s’est passé pendant cette année qui a précédé mon départ.
Au fil des mois, si je cachais mon homosexualité aux autres, j’ai tout de même décidé de ne pas me la cacher à moi-même. C’était la moindre des choses, non ?! Et de savoir exactement où je voulais en venir avec cette envie imprécise des hommes.
Tout d’abord, au fil des relations avec les mecs, j’ai commencé à comprendre que je préférais subir, enfin je veux dire : être passif, plutôt qu’actif. Et puis, ça a commencé à se préciser en discutant avec les copains de Kévin. Les gays, je veux dire. Certains sont d’authentiques folles avec lesquelles je me sentais peu de points communs, mais avec lesquelles néanmoins j’aimais parler.
L’un d’eux, Éric, m’a avoué qu’il adorait se maquiller, prendre soin de son visage bien sûr, mais aussi du reste de son corps, pour offrir le meilleur de lui-même tant à son ami qu’à son miroir. Un jour, il m’a proposé de passer chez lui. J’y suis allé. Si nous nous sommes caressés et embrassés, c’était plus par amitié qu’autre chose. L’un et l’autre vibrions davantage pour être pris que pour prendre. On en est restés là.
Par contre, Éric m’a dit qu’il avait tout de même flashé sur moi, car il trouvait que j’avais des traits féminins. En fait, il était presque jaloux, m’a-t-il dit parce qu’il trouvait les siens plus grossiers, à côté. Moi, je le trouve pas mal.
Ce jour-là, a été un grand jour pour moi.
J’ai dit oui. Oui à son gommage, son massage facial, son épilation de sourcils puis un léger maquillage.
Pendant qu’Éric s’activait, je regardais mon visage qui changeait. Et j’aimais ça. Tout de même, au début, j’étais inquiet je dois dire. Comme si je poussais une porte interdite. Comme si pour moi c’était moins engageant de faire l’amour avec des garçons, moins compromettant que… de devenir femme.
Enfin j’en étais pas là, encore ! Mais tant que je suis resté à quelques kilomètres de la maison paternelle, jusqu’au départ pour l’Algérie en fait, l’instinct de culpabilité ne m’a jamais quitté.
Je me souviens de cette après-midi chez Éric :
- Si tu sortais comme ça, m’a-t-il dit, et que tu mettes les fringues qui vont avec, je te parie ce que tu veux qu’on te prend pour une meuf… c’est sai-si-ssant !
J’étais en slip dans sa salle de bains, devant un grand panneau miroir mural.
- Arrête tes conneries, Éric ! T’as vu ma tignasse ! Et t’as vu mes poils aux jambes et sur le torse ? C’est pas deux ou trois poils en moins autour des yeux et un peu de rouge à lèvres et de fond de teint qui vont changer la bête, non ?!
Il y avait du boulot. Éric en a convenu.
- Attends voir ! Reste ici, je reviens !
Il m’a planté là dans la salle de bains. J’en ai profité pour me griller une blonde. Je ne fume pas souvent, sauf lorsque je suis angoissé. Quand il est revenu, avant d’entrer il a lancé :
- Ferme les yeux, Jean !
Et lorsque je les ai rouverts, il était devant moi, nu. Alors j’ai vu la différence. J’ai compris aussi le pas qu’il me restait à faire. Du boulot ! Beaucoup de boulot!
Éric, en tournant sur lui-même au ralenti, tel un danseur de ballet, exhibait devant mes yeux un corps totalement imberbe ! Pas un poil sur tout son corps !
- Comment tu fais ? lui ai-je demandé.
Je ne sais pas s’il s’est mépris sur mon étonnement, car tout de go, il m’a répondu :
- Du sport, Jean ! D’abord du sport ! Je vais à la piscine deux fois par semaine après le boulot. Et puis je fais de la musculation aussi.
Il m’avait déjà montré un rameur dans une pièce à part de son appartement.
- Je ne pou-rrais-pas, dit-il, en détachant les syllabes avec beaucoup de féminité dans la voix, montrer un gros bide et des pectoraux tout flasques ! Im-po-ssible ! ! a-t-il encore précisé en prenant une pose étudiée et en faisant tout doucement glisser sa main sur sa poitrine.
- Arrête, tu vas m’exciter ! lui ai-je dit en le bousculant gentiment pour le faire redescendre sur terre.
On a rigolé un bon moment, puis il m’a expliqué qu’il avait commencé à se raser il y a deux ans :
- D’abord le torse ! Tout de suite le torse ! Et puis un jour, ce fut le sexe et le maillot, tu vois. Et pour le derrière, m’a-t-il précisé en se retournant et en prenant une pose très suggestive mettant son postérieur en évidence, j’ai demandé à Mehdi, tu sais Mehdi, le gars qui est teint en blanc et qui travaille au salon avec moi ?!
Je voyais. J’avais rencontré Mehdi à plusieurs reprises et on avait sympathisé. Sans plus.
Éric a changé de pose et a dit d’un ton très fier et avec un geste précieux de la main :
- Je ne me rase plus !
Je l’ai laissé venir. Il est venu assez vite :
- J’en ai eu vite marre des poils qui repoussent et qui font que tu te grattes toute la journée que c’est plus possible ! Alors j’ai demandé à Pierre, tu sais le gars qui tient le bar du Plaza, et il m’a donné l’adresse d’un dermato.
Il reprend souffle :
- … et j’ai commencé par les parties.
- Tu veux dire que tu t’es fait épiler définitif ?
J’étais vaguement au courant du système. Une de mes copines et ma mère aussi en étaient déjà passées par là.
- Je croyais que c’était le torse qui passait en premier pour toi ? lui ai-je demandé.
Éric était lancé dans son histoire :
- Attends ! C’est moi qui raconte. J’ai commencé par en bas, parce que là, a-t-il précisé en mettant sa main à plat au-dessous de son nombril, c’est incroyable ce que ça gratte, t’as pas idée, quand tu te rases !
- Dis donc, ça a dû quand même te coûter la peau des fesses de faire faire… tout ça ? lui ai-je demandé en le désignant de la tête aux pieds.
Éric a repris le fil de l’histoire :
- La première fois, c’est vrai, j’ai payé cent euros. La seconde aussi, d’ailleurs !
On a ri comme des bossus à sa sortie.
- … Et puis quinze jours plus tard, je me suis trouvé nez à nez avec le dermato au Plaza. Tu connais le Plaza, hein ? !
Oui, je connaissais, un bar gay parmi tant d’autres.
- On a pris un coup ensemble. Il a pas mis longtemps pour me dire que lui aussi était gay. On est sortis ensemble, il est su-per-sym-pa, faut que je te le présente. D’ailleurs on sort toujours ensemble… enfin de temps en temps, tu me connais, hein, j’aime pas trop me fixer. Donc tu penses bien que depuis, eh ben c’est gratuit pour moi ! Il se rattrape sur les épilations des filles ! Et je te garantis que ça marche, son business !
Et Éric est de nouveau parti dans un grand éclat de rire. Tout de même, j’en revenais pas :
- Attends Éric ! Tu veux dire que là, ce que je vois, tout ton corps quoi, a été passé au laser et que ça repoussera plus jamais ?
- Ben ouais ! Enfin j’espère bien que ça ne repoussera plus, mais ce n’est pas 100% garanti ! Tu sais, pour certaines parties, comme les jambes ou le maillot, j’ai dû faire faire plusieurs séances.
Gentil Éric et ses mines de folles ! Il me fait rire, et même beaucoup. Et il est super gentil. Mais jamais je serai tenté ou poussé à ce comportement… que je respecte, qu’on ne s’y trompe pas, mais qui est un comportement de folle, quoi !!
Pour ce qui est des épilations, j’ai eu très envie ! Et puis Éric a pas mal insisté aussi !
Quelle n’a pas été ma surprise, la première fois que j’ai passé le pas du cabinet du dermato, de découvrir que celui-ci, qui s’appelle Barthélémy, est plus noir que noir ! … de Côte d’Ivoire. J’ai rien contre les noirs, au contraire, je rêve d’être tout contre, mais je ne m’y attendais pas, c’est tout.
On a commencé par le sexe. Avant, il faut se raser ! Lorsqu’on s’est mal rasé, on sent passer les séances de laser !
J’ai sympathisé avec Barthélémy. Pas mal, même ! D’abord, j’étais recommandé par Éric. Donc il savait que je savais et lycée de Versailles. La première fois, je lui ai tout de même proposé de payer la séance. Il n’a pas voulu. Éric m’avait prévenu. Il m’avait dit aussi qu’il n’était pas jaloux pour un sou. Et que si son dermato me tentait, il n’avait rien contre.
Et, c’est parti comme ça. Très rapidement. Comment dire ? Pour faire bref, près chaque séance, un grand pieu noir s’enfonçait en moi, et c’est dans son cabinet que s’est développée cette sensation insidieuse d’être femme chaque fois un peu plus, et garçon chaque fois un peu moins.
Il savait tout ça, Barthélémy ! Il était homme, très homme. Et j’aimais tellement ça. Et lui aimait tellement que pour lui je sois un peu femme. Quand il me recevait, dans son cabinet du centre-ville, il portait une sorte de sarreau de chirurgien, ainsi qu’un pantalon de toile verte. Et dessous, rien !
Pendant qu’il travaillait, je regardais sa virilité s’affermir et il me regardait le regarder, et ça nous faisait sourire, l’un et l’autre. Sourire seulement. Ni lui ni moi n’avons vraiment beaucoup discuté. Cela faisait partie un peu de nos conventions. Ce qui suivait après l’épilation n’en perdait rien en force et en virilité, au contraire. Comme si le silence transportait l’ambiance de la domination. C’est un peu ça, je crois.
Je crois que c’est à la quatrième ou cinquième séance, qu’il a fait les fesses. La fois suivante, juste après la séance, alors qu’il s’apprêtait à me pénétrer, à m’enculer (excusez-moi, mais j’aime bien ce verbe !) à sa façon habituelle, c’est-à-dire assez vite because les clients qui attendent, assez brutalement aussi je dirais, il a suspendu son geste.
Pour l’occasion, j’étais allongé à quatre pattes sur le lit de travail, les jambes très écartées, la taille cambrée pour que mes fesses et mon petit trou lui soient facilement accessibles. Il a commencé par admirer son travail épilatoire, a commencé par caresser mes fesses, m’a demandé si j’étais satisfait. J’ai répondu par l’affirmative.
- Elles sont toutes pâlottes, tes fesses, tu trouves pas ? a-t-il dit avec sa voix grave. Comme si le sang ne circulait pas… a-t-il continué comme pour lui-même… Et puis elles sont toutes froides… a-t-il poursuivi.
« Ben ouais », ai-je pensé sans répondre. « Ça fait tout de même une heure que je suis à poil. C’est peut-être normal qu’elles soient pas chaudes comme la braise. »
Et puis j’ai compris.
Il a commencé par de petites tapes timides, comme pour faire gentiment revenir sang et couleurs. Je ne disais toujours rien. Il alternait les caresses de la main droite avec des tapes régulières de la main gauche. Et puis les tapes sont devenues de moins en moins gentilles. J’ai failli dire stop. Mais je ne l’ai pas fait. J’ai voulu savoir comment je réagirais au final de cette nouvelle pratique. Ce n’était pas insupportable après tout.
Lorsqu’il a eu mis comme à son habitude, une généreuse rasade de gel lubrifiant, et qu’il a commencé à introduire son membre, mes fesses… étaient bien réchauffées. Tout a été progressif. Plus il s’enfonçait en moi et plus ses tapes régulières se faisaient violentes. Régulières, car chaque fois qu’il me pénétrait, j’avais droit au plat de sa main. Je savais quand exactement la claque allait venir. J’attendais la douleur. Je ne crois pas que je la souhaitais. Mais je trouvais juste que Barthélémy me tape si son désir pouvait s’en trouver augmenté. J’avais mal, mais j’aimais bien ce sentiment de domination complète. Lorsqu’il n’a plus pu se retenir, Barthélémy s’est retiré, m’a retourné sans ménagement aucun, a pris mes longs cheveux à pleines mains, me faisant mal à nouveau et a éjaculé abondamment sur mon visage, en gémissant très bruyamment. Puis il m’a introduit son membre encore jutant dans la bouche pour que je finisse… le travail !
Comme à chaque fois, pendant qu’il se douchait, je suis allé me branler dans le lavabo, pour calmer mon feu intérieur. La première fois, après son orgasme, je lui avais demandé de me branler, mais il n’avait pas voulu le faire.
Négatif… d’un simple mais définitif hochement de tête.
À mon tour je me suis douché rapidement pour calmer aussi le feu sur mes fesses ! Et pour la première fois après l’amour, il m’a offert de trinquer d’un petit malt hors d’âge. Il avait envie de parler. Rare pour un homme pressé. Sa cliente suivante avait dû se décommander. Il m’a demandé si ça m’avait plu. Sans préciser quoi. Mais lui et moi savions qu’il parlait de ce qui avait accompagné la partie.
- C’est toi qui décides, tu le sais bien ! je lui ai répondu. Si ça te plaît à toi, alors ça me plaît à moi ! À toi de prendre le plus de plaisir possible ! À moi celui d’en donner le plus possible ! En prenant avec reconnaissances les miettes qui voudraient bien s’offrir !
J’avais assimilé une fois pour toutes que j’étais heureux dans la soumission. Par contre les coups en eux-mêmes ne m’ont jamais excité. Je confirme et je signe, ils m’ont fait mal.
À partir de ce jour, la seule chose qui ait changé, c’est qu’avant les séances avec lui, je me mettais de l’huile de calendula pour adoucir un peu.
Je n’ai pas fait le total des séances chez Bart, puisqu’il aime qu’on l’appelle ainsi. Il y a eu aussi quelques week-ends sympas dans sa maison de Saint-Raphaël. Avec l’autre plaisir non dissimulé d’y aller avec lui dans sa vieille Buick décapotable de collection. Je ne suis pas très voiture, mais là, quand même, ça en jette.
Bart a 32 ans. Il est grand, environ 1,90m, puissant. D’après ce que j’ai compris, il a été content de prendre ses distances avec sa famille qui réside en Côte d’Ivoire, voilà déjà une dizaine d’années. Je crois qu’il ne voulait pas trop du mariage qu’on lui proposait. Son père est dans les affaires là-bas, et je crois que même s’il ne faisait pas des journées entières d’épilations, la vie ne serait pas trop dure pour lui.
Ces huit derniers mois, j’ai passé beaucoup de temps avec Éric, que j’aime beaucoup et qui me fait tellement rire. Éric a suivi en connaisseur la progression de ma perte définitive des poils. On parlait sans retenue de Bart et… de ses goûts particuliers pour les fesses rouges, comme dit Éric.
Éric m’a dit ne pas aimer du tout ce genre de choses, mais m’a cité plusieurs noms de mecs qui aiment une pratique plus poussée du sado-maso, puisqu’il faut l’appeler ainsi. Je lui ai expliqué que pour moi ce n’était pas une fin en soi. Juste un besoin de plaire à l’amant.
Souvent, je passais tout le week-end avec Éric, dormais chez lui le dimanche soir et passais la journée du lundi, sa journée de repos, avec lui. Après m’avoir fait aimer le look féminin du maquillage, Éric m’a appris les rudiments du maquillage. Parfois Éric mettait une perruque et me demandait comment je le trouvais. J’ai été franc, il avait l’air d’un travelo. Ça le mettait en rage contre moi. Mais quoi, c’était vrai ! J’ai essayé à mon tour pour lui faire plaisir, mais celles qu’il avait étaient toutes blondes à cheveux longs, et ça me faisait le même look de pute.
Un week-end, à Grasse, j’en ai parlé avec Bart, comme ça, pour parler de quelque chose.
- C’est pas parce qu’Éric n’a pas de goût pour les perruques que ça ne t’irait pas ! m’a-t-il dit.
- Tu aimerais que j’en mette une ? lui ai-je demandé, un peu surpris quand même.
On était dehors, devant la piscine de sa maison, nus, en train de prendre le soleil. C’était l’heure de l’apéritif, et Bart avait ouvert une bouteille de Viognier. Il a fait tourner négligemment le liquide dans son verre, a pris tout son temps comme pour peser le bien-fondé de ma question.
- Pourquoi pas ?! a été son verdict.
- Si ça te plaît, moi je veux bien ! ai-je précisé. Mais vraiment, t’aurais vu la tronche de pétasse que ça me faisait, je ne crois pas que ça t’aurait vraiment excité !
Le vin tourne et tourne dans le verre. Puis il boit une lente gorgée, comme si l’effort de lever le verre était en soi un exploit :
- Franchement Jean, je n’arrive pas à t’imaginer avec un look de pétasse, comme tu dis. Ne lui répète pas, ça lui ferait de la peine, mais Éric n’aura jamais les traits fins que tu as.
- En tout cas avec la perruque…
Bart m’interrompt d’un geste :
- Si t’as essayé une perruque de merde, tu pouvais qu’avoir un look de merde. On va aller en ville, et on va t’en choisir une, de perruque ! Une vraie ! Une chouette ! Et surtout pas une blonde ! Tu es brun, tes yeux sont bleus mais tes sourcils sont noirs, c’est une perruque brune qu’il te faut. Je crois que j’ai dans la tête ce qu’il te faut.
- On fera comme tu décideras, Bart, tu le sais bien
- Bien sûr que je le sais, petit blanc bien sage ! m’a-t-il répondu avec l’un de ses rares sourires en se levant. On y va tout de suite.
Nous sommes allés jusqu’à Cannes en passant par la magnifique route de la côte. Nous sommes allés directement chez un ami coiffeur de Bart. Un autre grand noir baraqué, au crâne totalement rasé, entièrement vêtu de blanc, tee-shirt moulant et pantalon qui nous a reçus pieds nus dans son salon. Ils devaient bien être une dizaine, garçons et filles, occupés à coiffer les clientes. Un bon business quoi !
Bart et Xavier - le nom du gars - se sont longtemps étreints. Bart m’a présenté. J’ai su qu’ils étaient amis d’enfance, et que pour des raisons assez similaires, Xavier vivait en France depuis quelques années. Bart a expliqué sans façons le pourquoi de notre visite.
- Je sais pas ce que t’en penses, Xavier, moi je le vois avec une perruque à cheveux courts et noirs… tu vois, qu’il ait un look de fille qui veut s’habiller en garçon.
- Tu veux jouer sur l’ambigüité, quoi ?! a demandé Xavier.
- Exactement !
- Qu’en pense le jeune toubab ? m’a demandé Xavier avec un sourire aussi blanc que le tee-shirt.
- Eh bien il dit… pourquoi pas ! ai-je répondu, subjugué par la carrure et la dégaine en générale du Xavier et en lui rendant son clin d’œil
- Ouhh, Xavier, Xavier, mon ami, je crois que tu as un ticket avec le jeune homme blanc ! a dit Bart en rigolant.
- J’espère que le jeune homme blanc saura retrouver un jour le chemin de ma case ! a dit Xavier en forçant l’accent africain puis en éclatant de rire.
- Voyons voir ce que nous avons ! a-t-il ajouté avec sa voix habituelle.
Nous étions montés à l’étage du salon, en empruntant un élégant escalier en colimaçon. Il a passé un coup de fil à une certaine Éva qui a fait une apparition marquée quelques minutes plus tard, longue et frêle silhouette toute de noir vêtue avec les bras chargés de postiches capillaires. Bart s’était calé les fesses dans un splendide club en cuir.
Xavier m’a d’abord mouillé les cheveux avec un vaporisateur, puis a habilement attaché mes cheveux avec quelques pinces. Je devinais l’expert. J’en ai essayé une vingtaine. Et chaque fois, Bart hochait négativement la tête… jusqu’à la vingt et unième :
- Celle-là ! a été son verdict.
- Tu crois ? ai-je demandé en m’observant dans la glace.
En fait, c’était la plus discrète et en même temps la plus stylée.
- Et toi Xavier, t’en penses quoi ? ai-je demandé.
- Je préférais celles qui étaient plus flashy, pour être sincère ! Celle-là tout de même, c’est la classe.
- Tu pourrais demander à une fille de le maquiller pour voir l’effet final ? a demandé Bart.
- Tu sais bien que tu peux me demander n’importe quoi ! J’appelle quelqu’un.
Et il est redescendu vers le salon, me laissant seul avec Bart. Bart s’est levé et m’a annoncé qu’il me laissait. En fait, c’était prévu. Il devait manger à Nice avec une de ses cousines, son mari et ses gosses, et je n’étais pas prévu au programme. On devait se retrouver le soir dans un petit resto cannois, sur la Croisette. Je me suis retrouvé seul quelques minutes, le temps de me plonger dans un magazine de coupes pour femmes. Xavier est revenu suivi d’une fille super canon.
- Tiens, je te présente Yasmina qui va te maquiller. Je vous laisse, j’ai à faire. Et soyez sages, hein ? ! Yasmina attention, mon ami m’a dit qu’il était dangereux.
Un clin d’œil complice pour moi, un tourbillon, et le voilà reparti.
- Il est toujours comme ça ? je demande à la fille.
- Toujours à 200 à l’heure, c’est sûr ! a-t-elle répondu.
J’ai suivi Yasmina dans une cabine de maquillage. Elle m’a confortablement installé, m’a fait me dévêtir le haut, a regardé mon dos puis ma poitrine. Elle a apprécié le travail de Bart en connaisseuse. On a discuté épilation. Elle m’a confié qu’à part le maillot elle ne s’était rien fait faire de plus, because c’est pas donné.
- Ça ne te dérange pas trop de maquiller un garçon ? ai-je demandé à un moment, car moi-même, je suis un peu gêné tout de même.
Elle a levé les yeux au ciel.
- Tu devrais pas. J’ai vraiment l’habitude. Il y a beaucoup d’amis de Xavier qui viennent, pour les fêtes, ou simplement pour le plaisir d’être maquillés et en fait une bonne partie des homos de Cannes et de la région passent par ici.
J’ai eu droit à un soin, puis au maquillage. Des gestes précis. Elle m’a promis une surprise. Je l’ai eue ! Elle m’a refixé la perruque, m’a demandé de fermer les yeux… m’a guidé vers un miroir, m’a demandé de les ouvrir à nouveau… Cette fois, ça y était. J’étais complètement fille.
Yasmina m’a ramené dans le salon de Xavier ! Où j’ai passé la demi-heure suivante à me regarder dans le miroir. Le résultat me plaisait beaucoup. J’attendais de voir ce qu’allait dire le monde extérieur. Je ne l’ai pas entendu arriver. Lorsque je me suis aperçu de la présence de Xavier en haut de l’escalier, je ne savais pas depuis combien de temps il était là.
Il avait la bouche ouverte. Il me dévisageait et ne disait rien. Je lui ai souri, me suis levé et ai marché jusqu’à lui.
- Alors, beau mec ! J’te plais ? ai-je dit en secouant les cheveux et en me déhanchant autant que je savais le faire.
Il a secoué la tête plusieurs fois de suite.
- Hé ben, mon ami ! Pour être franc, ça faisait longtemps que j’avais pas kiffé comme ça !
Je lui ai reposé ma question
- Tu es … très beau ! ou très belle, je sais plus… tu préfères quoi, toi ?
J’étais pas sûr.
- C’est trop nouveau pour moi ! Je ne sais pas !
Je découvrais le mot « plaire ».
- Je sais ce qu’on va faire ! a dit Xavier en redevenant speed. On va arroser ta renaissance au champagne ! Tu n’as pas le droit de dire non ! m’a-t-il dit en pointant le doigt vers moi.
Je lui ai souri de mon air le plus fille.
- Alors je dis oui ! ai-je répondu simplement.
Il s’est absenté quelques minutes, puis est revenu avec un plateau avec du champagne, deux verres, des petits canapés à apéritif
- Une vraie maîtresse de maison, dis donc.
- Attention à ne pas me prendre pour la folle qui fait le service pour Serrault et Tognazzi dans la Cage aux folles, hein ?!
J’aime beaucoup Xavier. Son humour, sa classe naturelle, son élégance bien sûr… Il a beau être pété de thunes, il est très simple et ne cherche qu’à ce que tout le monde autour de lui soit heureux. Personnel et amis.
Et puis son physique ! Trop ! Too much !
Je lui ai raconté mes études, ma famille, mes amis, la découverte récente de mes goûts sexuels, de mes doutes, de mes projets… Lui s’est beaucoup moins livré finalement… comme si ma vie et mes petits soucis l’intéressaient plus que se raconter… la classe ! Mais c’est bien lui qui rythmait la discussion, et qui avait toujours une anecdote incroyablement drôle à raconter. On a sifflé la bouteille rapidement. Il est allé fermer le salon, puis est revenu avec une nouvelle bouteille, un Dom Pérignon, cadeau d’un ami très cher, a-t-il précisé ! Et il a proposé qu’on aille la boire chez lui, dans son appartement, à l’étage au-dessus.
Pour atteindre son appartement, j’ai découvert quelque chose de fabuleux : un authentique passage secret qu’il m’a dit avoir fait installer à prix d’or. En fait, il a fait pivoter une large moulure située à droite de la bibliothèque du salon où nous nous trouvions. Il fallait être mince pour passer, mais ça allait pour nous. Nous avons débouché sur un étroit passage d’un mètre carré environ, occupé dans son intégralité par un nouvel escalier en spirale. Je lui ai dit à quel point j’étais admiratif et épaté, et ça a eu l’air de beaucoup lui faire plaisir. L’appartement où je suis arrivé par un nouveau passage secret, était… splendide.
A suivre pour découvrir l'Eden